Projet Trikhy
En résumé
Dans les lignes suivantes une série de thèmes sont présentés : la diminution du poids des véhicules et leur adéquation aux usages, une enquête de préférence que nous avons menée, puis notre vision de la mobilité et les solutions proposées.
1. La diminution du poids des véhicules comme levier de diffusion de l’électromobilité
En 2018, le secteur des transports était responsable de 40% des émissions de gaz à effet de serre en France, dont environ la moitié est attribuée aux voitures personnelles [1]. En effet, 80% des distances parcourues en semaine se font en voiture [2].
La décarbonation du secteur de la mobilité dépend donc largement du futur de la voiture et de son usage. Un report modal significatif vers les transports en commun semblant par ailleurs peu probable à moyen terme (2030) ou long terme (2050) [3].
L’électrification des voitures semble être une partie de la solution. Cependant, les voitures classiques sont surdimensionnées par rapport aux pratiques réelles. Ceci amène à des poids de véhicules et donc des consommations et des couts excessifs.
D’autre part, même si le développement de l’électromobilité ne semble pas être un problème pour le futur de l’approvisionnement électrique en France [4], se pose la question de la dynamique d’adoption des véhicules électriques. Le cout d’accession semble être frein d'après une enquête Castrol de 2020 [5]. Cette enquête relève que 65% des français indiquent que le prix des véhicules électriques dépasse leur budget. Ce point a été étayé par l’analyse faite par l’équipe Trikhy des données de l’INSEE [2] et est commentée d’avantage dans les annexes.
Un élément fondamentalement responsable du prix des véhicules électriques est la batterie. Hors, la réduction du prix du kWh des batteries dans les prochaines années semble compromise par l’augmentation du prix du Lithium (8,6k€/T en Septembre 2019 à 71k€/T en Septembre 2022 [6]). Il faut donc réduire la capacité et donc de la masse des batteries.
Pour réduire la masse des batteries il faudrait soit augmenter la fréquence de charge, soit réduire la consommation des véhicules. La première solution semble compromise par le temps de charge relativement contraignant (en tout cas loin des habitudes actuelles pour faire le plein). La deuxième semble possible à condition de diminuer la masse des véhicules. Ceci aura par ailleurs comme effet de limiter l’impact environnemental des véhicules dont la masse et la consommation totales sont les paramètres centraux.
2.Petits véhicules adaptés aux besoins
L’utilisation de véhicules plus légers et donc plus petits ne semble pas être gênant pour réaliser une grande partie des trajets aujourd’hui faits par des voitures. En effet une étude du DLR indique, pour l’Allemagne, que le potentiel de substitution des voitures par des microvoitures est de l’ordre de 47% en nombre de kilomètres et de 70% en nombre de trajets [7]. La valeur pour les vélos électriques L1e (45km/h) est de 19% des kilomètres. Notez que la part totale du potentiel de remplacement est de 50% ; le chiffre de 47% est donc conséquent. Cette étude concerne l’Allemagne seulement. Cependant la distance moyenne journalière parcourue en voiture par jour est très similaire entre la France et l’Allemagne [8]. (page 63). On estime donc que les chiffres seraient similaires pour la France. L’analyse des données de l’INSEE sur les déplacements en semaine en France étaye ce point et ceci est commenté en annexes.
Nous avons donc décidé d’orienter notre projet sur la microvoiture qui correspond à la catégorie règlementaire L7e (quadricycles ou quadri-mobiles lourds dans la règlementation) dont les caractéristiques principales sont données dans le tableau ci-dessous [9] [10]. La commission européenne ayant acté l’interdiction de vente des véhicules à moteur à combustion pour 2035, l’hybridation est écartée (en tout cas au vu des technologies disponibles aujourd’hui) et ce sera un véhicule électrique.
La catégorie de véhicule étant définie, il nous semblait important de définir le type d’usage et de trajets par le recueil d’avis d’usagers de voiture. Nous avons donc décidé de réaliser une enquête.
3. A l'écoute des besoins des usagers
3.1 Description de l'enquête
Cette enquête a pour but d’aider à la définition de certaines spécifications du véhicule. Aussi, il nous semblait utile de questionner des usagers sur des véhicules électriques existants sur le marché afin d’obtenir des éléments pouvant diriger ou ajuster notre conception. Enfin il nous semblait nécessaire d’échanger avec des usagers sur le sujet de la mobilité en général pour essayer d’avoir un aperçu de la diversité des besoins et des rapports aux voitures.
Les modes d’enquête ont été : la réalisation du questionnaire auprès de l’entourage de l’équipe, la diffusion dans une liste de mails par un serveur et la réalisation de micro-trottoirs. Une description plus détaillée de la structure et déroulement de l’enquête se trouve en annexes. L’ensemble des questions et les résultats se trouve par ailleurs ici : ENQUETE.
La description de véhicule intermédiaire était la suivante : ‘’véhicule 2 ou 3 places pouvant transporter une charge de 100kg roulant à maximum 80km/h. Economique et à propulsion électrique. Compacte et pratique pour remplacer votre voiture sur des trajets de moins de 40km par jour. Deuxième voiture dans une famille par exemple.’’
La question de la représentativité et convergence de réponses s’est posée et est présentée en annexes. En résumé nous n’avons pas une pyramide des âges cohérente avec des chiffres INSEE mais d’autres marqueurs comme le taux de possession de voitures le sont. La stabilisation sur certains aspects importants comme le prix ‘souhaité’ pour le véhicule semble bonne contrairement à celle de l’âge moyen des personnes. Pour affiner l’analyse et pour avoir une bonne représentativité, il faudrait sonder beaucoup plus de personnes en faisant une sélection des profils sollicités.
3.2. Quelques résultats saillants
La part des personnes ayant déclaré préférer avoir trois places (nombre maximal proposé) est de 86%. Aucun questionné n’a déclaré préférer avoir une seule place.
64% des questionnés déclarent préférer un véhicule hybride. Seuls les choix ‘hybride’ et ‘électrique’ étaient possibles.
53% des questionnés déclarent accepter de recharger le véhicule tous les 3 jours, 26% tous les deux jours et 21% tous les jours.
Les trajets ou usages imaginés avec un véhicule intermédiaire ont reçu tous un vote similaire. Les usages proposés sont ‘Domicile-Travail’ (32% de votes), ‘Amener les enfants à l’école’ (18%), ‘Loisirs’ (19%), ‘Courses’ (25%), ‘Autres’ (7%).
73% des questionnés déclarent préférer acheter une voiture de 150km d’autonomie à 10k€ et non une voiture de 80km d’autonomie à 8k€ pouvant recevoir une batterie démontable à location pour 70km supplémentaires occasionnels (50€ de location).
Le prix moyen que les personnes estiment raisonnable pour le véhicule intermédiaire imaginé était de 12 300 €.
Nous avons demandé d’indiquer l’importance de critères d’achat ; l’importance était à choisir parmi les choix ‘Très important’, ‘Important’, ‘Pas important’, ‘Pas du tout important’. Le pourcentage du choix ‘Très important’ par critère est reporté ici :
Le critère Sécurité a reçu le plus de votes ‘Très important’, 63% de personnes ont indiqué qu’il est très important.
Résultat supplémentaire, la note moyenne d’importance du critère ‘Vitesse’ est la deuxième la plus basse. Ces critères peuvent être jugés difficiles à quantifier, peu objectivables mais les besoins ressentis des gens ne peuvent être ignorés.
Nous avons aussi demandé de noter la Citroën AMI et la Renault Zoe selon six critères (l’esthétique, la valeur d’autonomie du modèle de base, la vitesse maximale, le prix sans aide, le nombre de places et l’adéquation de la voiture à un usage quotidien). La Zoé a reçu la plus mauvaise note pour son prix. L’autonomie de 170km du modèle de base est bien notée. La AMI a reçu des plus mauvaises notes en général. Ses moins bonnes notes étant celles de la vitesse (45km/h) et de l’esthétique puis la meilleure note celle du prix.
3.3. Un point sur les micro-trottoirs
Les personnes questionnées étaient de divers âges. Rencontrés dans les marchés de Cachan (94230) ou de Palaiseau (91120). Les entretiens duraient entre 15minutes et 30minutes. Au-delà des questions préétablies, des discussions plus générales sur la mobilité étaient menées pour essayer de comprendre les usages et critères de choix de mobilité. Malgré la diversité des situations, et le faible nombre d’entretiens (une douzaine), quelques tendances ressortent. De manière générale, il semble y avoir un intérêt général pour la question de la mobilité, notamment électrique.
L’usage d’un véhicule intermédiaire en semaine pour le trajet domicile-travail semble acceptable à condition de pouvoir amener le ou les enfants à l’école et/ou faire quelques courses. La question de l’autonomie semble importante.
Par ailleurs, en général, le critère d’achat d’un véhicule semble être guidé par la situation la plus contraignante. Par exemple le déplacement pour les vacances en famille, la sortie en weekend avec des amis ou encore l’accompagnement des petits enfants à des activités extrascolaires.
Le partage de véhicule ne semble pas être imaginé par les questionnés sauf pour ceux ayant déjà pensé à la question de la mobilité et s’imaginant n’avoir besoin d’un véhicule familial que pour des locations pendant les vacances par exemple. L’achat et la propriété semblent être très ancrés.
4. Synthèse des analyses
Au regard de ces échanges et de l’analyse de l’enquête, il nous semble qu’au-delà des pratiques chiffrées et de la description des trajets remplaçables par un véhicule intermédiaire, la diffusion de la mobilité à faible impact (légère et électrique) passe d’abord par la prise en compte des contraintes des usagers potentiels.
Ceux-ci ont été identifiés comme étant les ménages possédant deux voitures dont l’une pourrait être remplacé pour seulement faire des trajets en semaine, les ménages dont le nombre de personnes diminue (enfants ne vivant plus à la maison par exemple), les personnes envisageant d’acheter leur première voiture (souvent de seconde main et petite). Ceci pour des ménages en milieu péri-urbain et rural.
Leurs attentes principales semblent celles-ci :
- Élément de la liste à puces
- Le besoin d’avoir trois places
- L’accessibilité par un prix d’achat raisonnable
- Une autonomie pour les trajets en semaine et pour s’autoriser à ne pas avoir à charger tous les jours sans faute
- Le besoin de sentir en sécurité et besoin d’un certain confort
- Pouvoir emprunter des routes nationales
Notre idée initiale d’un véhicule à trois roues est ici écartée car facilement assimilable à ‘non-stable’ ou ‘non-sûr’. Il semble aussi nécessaire de proposer un véhicule couvert (incluant pare-brise, toit et probablement des portes). Le choix de la taille de la batterie sera aussi primordial.
5. Notre vision de la mobilité et motivations
Nous sommes avant tout une équipe motivée par la technique, le futur de nos enfants et les objets roulants. La réparabilité des objets, le partage de connaissances et le ‘faire’ nous intéressent et nous en sommes familiers.
On avait imaginé des véhicules sympas, légers et pratiques pour aller déposer les enfants et aller au travail. On s’est beaucoup dit au début qu’un trike inversé ou un side-car pourrait très bien faire l’affaire. Et puis si on pouvait le fabriquer nous-mêmes ça serait super.
On a dû se rendre à l’évidence qu’entre un suicidaire du gyroroue et des riders fous, on ne pourrait pas rassembler autant de monde qu’il faudrait autour d’un projet à trois roues. Il faut être conscient des biais d’analyse que l’on a tous par nos centres d’intérêt et notre vécu.
Tout le monde (80% du monde ☺ ) se déplace en 4 roues et il n’y a aucune raison qui ferait changer ça rapidement à part une crise économique. Il y a d’autres aspects de notre vision de la mobilité intermédiaire future qui ont évolué durant ce projet. La morale est qu’il faut prendre en compte les habitudes d’usages et les besoins ressentis des personnes pour avoir une chance d’arriver à les inclure dans les changements à faire. La sobriété est censée être volontaire. Il faut une certaine volonté pour faire plus de 15km pour le travail en vélo sous la pluie de Roubaix, ou dans le froid de février à Colmar.
Alors comment tordre la tendance ? Comment faire comprendre qu’il faut en finir avec les SUV ? Comment faire adhérer à un véhicule plus léger, plus petit, moins confortable ?
Il y a des comportements sur la mobilité qui sont fortement influencés par les publicités commerciales ou encore des films hollywoodiens. La dépense de publicité sur les SUV était de 2300€ par voiture en 2019[11]. Cela génère des imaginaires qui rendent difficile la sobriété ou encore la cohabitation avec des modes de transport actifs.
On pense qu’il serait intéressant, à défaut de pouvoir changer radicalement ces imaginaires, de reprendre des codes esthétiques proches des voitures actuelles pour aider à l’adoption de voitures à faible impact.
Ensuite, il faut, à notre sens, favoriser la diffusion des connaissances concernant les véhicules et la mobilité. Il est difficile de dire si la tendance Do-It-Yourself pourrait s’appliquer un jour à des véhicules de catégorie L7e. Nous souhaitons explorer cette voie par le biais de ce projet. On voudrait pouvoir proposer à la vente le véhicule aussi en kits dont certains pourraient être faits en entier par les usagers dans des fab-labs ou petits ateliers.
Le châssis pourrait être tubulaire pour éviter des gros investissements dans des matrices d’emboutissage. Le but est de limiter les investissements sur les moyens de production et de favoriser la réparabilité. La carrosserie sera faite par des tôles ou des feuilles à simple courbure afin de pouvoir les poser sans outillage spécial. Nous voulons comme principe de conception que tout puisse être remplacé, réparé et/ou revalorisé le plus simplement possible. L’adoption de formes à une seule courbure implique des contraintes de design qu’il nous semble fondamental de coupler à l’étude de l’aérodynamique. Car plus la masse d’un véhicule est faible plus son aérodynamique compte.
Le Do-It-Yourself devrait aussi pouvoir s’appliquer à l’étape de conception de véhicules, et cela ne peut se faire sans savoir. Il nous semblait intéressant d’inclure dans la vente des véhicules des livres sur les principes de conception de châssis, la soudure à l’arc, l’aérodynamiques des véhicules, les matériaux bio-sourcés ou encore l’analyse de cycle de vie. Le but n’est pas qu’une seule personne puisse tout faire (on ne peut se former à la soudure qu’avec un livre), mais d’en donner les clés si jamais cela l’intéresse d’aller plus loin. Cette diffusion a pour but aussi d’intéresser puis responsabiliser les usagers sur les conséquences de leur mobilité individuelle.
Il serait intéressant d’inclure plus tard, si nous continuons, des écrivains, des sociologues ou anthropologues dans la construction des modes de communications et imaginaires pouvant aider à l’adoption de la sobriété comme valeur sociétale.
6. Notre proposition
Les principes de base du véhicule H3R : 3 places, simple de fabrication avec des techniques les plus accessibles possibles, électrique, aérodynamique, sympa. La figure ci-dessous montre quelques esquisses avec les caractéristiques de design principales.
Références
- ↑ Citepa_Rapport-Secten. 2018. https://www.citepa.org/wp-content/uploads/Citepa_Rapport-Secten_ed2020_v1_09072020.pdf.
- ↑ 2,0 et 2,1 Enquête sur la mobilité des personnes. 2019. INSEE. Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. 2019
- ↑ Projections de la demande de transport sur le long terme,» 2016. Ministere de l'Environement de l'Energie et de la Mer. https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Th%C3%A9ma%20-%20Projections%20de%20la%20demande%20de%20transport%20sur%20le%20long%20terme.pdf
- ↑ Enjeux du développement de l'électromobilité pour le système électrique.2019.RTE
- ↑ Accelerating EVolution.2020. Castrol. https://www.castrol.com/content/dam/castrol/master-site/en/global/home/technology-and-innovation/electric-vehicle-adoption/accelerating_the_evolution_study.pdf.
- ↑ Trading Economics. 2022. https://tradingeconomics.com/commodity/lithium
- ↑ The Potential of Light Electric Vehicles for Climate Protection Through Substitution for Passenger Car Trips Germany as a case study. DLR for LEVA EU, 2022.
- ↑ Driving and parking patterns of European car drivers – a mobility survey.2012. E.U. Commission
- ↑ RÈGLEMENT (UE) No 168/2013 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL, Journal officiel de l’Union européenne. 2013.
- ↑ Development of a World-wide harmonized Light Duty driving Test Cycle (WLTC), WLTP DHC Chair.2013.
- ↑ WWF https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2021-11/20210325_Rapport_Le-trop-plein-de-SUV-dans-la-publicite_WWF-France.pdf
Fichier Narratif : Annexes du dossier narratif_.pdf